Quantcast
Channel: Capteur d'Avenir » Au quotidien
Viewing all articles
Browse latest Browse all 66

Energie, efficacité et croissance : ordres de grandeur sur un problème contemporain

$
0
0

L’accès à l’énergie et la façon dont elle est utilisée sont un déterminant majeur des activités humaines. En particulier, la croissance économique est fortement corrélée à la consommation d’énergie. La tertiarisation, le développement des technologies de l’information, le rêve d’une « économie verte » ou d’une « économie de la connaissance » ont pu nous faire croire que nous nous éloignions progressivement des modèles du XIXe et du XXe siècle avec une production de richesse appuyées sur l’exploitation massive du charbon et du pétrole… En réalité il n’en n’est rien.

Contrainte énergétique sur l’économie

A l’échelle mondiale, la relation entre le PIB réel et la consommation d’énergie primaire est pratiquement linéaire depuis une cinquantaine d’années. Qu’est-ce que cela signifie ? Que la croissance économique mondiale est un multiple de la croissance de la consommation d’énergie : depuis les années 70, à peu de choses près, le taux de croissance mondial est égal à 1.55 fois le taux de croissance de la consommation d’énergie. Si on projette cette relation sur l’avenir, cela signifie qu’il ne peut y avoir de croissance économique que si la consommation d’énergie augmente aussi.

Or plus de 90% de la consommation mondiale est issue de d’énergies fossiles émettrices de dioxyde de carbone et de méthane. La disponibilité de l’énergie au cours des années et des décennies qui viennent est donc fortement contrainte. D’abord, en entrée, par l’épuisement des ressources les plus facilement exploitables qui, s’il ne conduit pas pour l’instant à des pénuries, dégrade régulièrement le taux de retour énergétique. Ensuite, en sortie par la nécessité de contrôler nos émissions de gaz à effet de serre afin de garder le changement climatique dans des limites supportables par l’humanité. Dans ces conditions, il est probable que la quantité d’énergie disponible pour faire tourner l’économie mondiale stagne voire régresse dans les prochaines années.

Une baisse de la consommation d’énergie semble en particulier inévitable dans les économies avancées, ne serait-ce que pour permettre aux pays pauvres d’accéder à une part des ressources suffisante pour assurer leur développement : il ne faut pas oublier qu’un européen consomme près de 10 fois plus d’énergie qu’un habitant d’un des pays les moins avancés.

Découpler croissance et énergie ?

Est-ce que cela signifie que la croissance est désormais impossible ? Rien ne dit que l’avenir ressemblera au passé : il est possible de découpler la consommation d’énergie de la croissance en jouant sur l’intensité énergétique de l’économie. Celle-ci est définie comme :


 

Par conséquent :

 

Même si le premier terme est constant ou décroit, le PIB peut continuer à progresser si le second terme augmente. Dans la réalité, cependant, les gains d’efficacité énergétique sont particulièrement lents. En France, ils ont été de 1% par an environ dans les années 2000. Cette valeur est insuffisante pour assurer une croissance soutenue dans un contexte où la consommation d’énergie est contrainte.

Ordres de grandeurs issus de la loi sur la transition énergétique

La loi Royal sur la Transition énergétique, adopté au cours de l’été 2015, fixe deux objectifs de baisse de la consommation d’énergie finale en France : -20% en 2030 par rapport à 2012 et -50% en 2050. Quels gains d’efficacité énergétique seraient nécessaires pour avoir dans le même temps une croissance économique soutenue ?

Prenons pour l’instant uniquement l’objectif intermédiaire à 2030, celui-ci correspond à une baisse de la consommation de 1.2% par an environ. Si on souhaite, dans le même temps, avoir une croissance, disons, de 2.5%, un calcul simple montre qu’il faudrait que l’intensité énergétique de l’économie française baisse d’un peu plus de 3.6% par an, très loin des niveaux observés jusqu’à présent. Même une stabilisation du PIB impliquerait que la baisse de l’intensité énergétique compense la baisse de la consommation, soit 1.2% par an, nécessitant une accélération des gains d’efficacité énergétique par rapport à ceux enregistrés depuis les années 2000.

En conclusion, l’efficacité énergétique apparait largement comme le « chainon manquant » entre, d’une part, la croissance ou même la stabilisation du PIB et d’autre part la réduction de la pauvreté et la lutte contre le changement climatique dans un contexte de raréfaction des ressources, en bref comme la condition d’un développement réellement durable. Il ne fait donc aucun doute que l’innovation technique, économique et comportementale dans ce domaine est un enjeu majeur des prochaines décennies.

Thibault Laconde est consultant indépendant, spécialiste des questions énergétiques et climatiques, et enseignant à l’Ecole de Commerce de Rouen. Il est également l’auteur du blog Energie et développement.

 


Viewing all articles
Browse latest Browse all 66

Latest Images

Trending Articles





Latest Images